Même pas peur…
Il y a des livres qui font peur aux parents, que les adultes ont parfois du mal à choisir pour leurs enfants…Ce sont justement les livres “qui font peur”... Des livres avec des sorcières, des monstres, des fantômes et autres personnages effrayants. Les adultes craignent qu’ils effraient les enfants, ou se disent que ces livres vont développer des angoisses chez les bambins.
Et pourtant… Les enfants les adorent ces livres qui font peur : Cornebidouille, la légendaire collection Chair de poule, tous les livres avec le grand méchant (pas toujours si méchant, d'ailleurs) loup .
On trouve dans la littérature jeunesse bon nombre de livres qui jouent avec toutes les émotions suscitées par la peur, et cela dès les albums pour tout-petits, jusqu’aux romans pour adolescents.
Parmi nos préférés, il y a : Nuit noire de Dorothée de Monfreid, 3 Sorcières de Grégoire Solotareff (dès 3 ans) , Fany et son fantôme de Martine Delerm ou Le Buveur d'encre d'Eric Sanvoisin et Martin Matje (dès 6 ans), pour les plus grands (dès 9 ans), la série "Le Manoir" d'Evelyne Brisou-Pellen, sans parler du célèbrissime Harry Potter.
Ces livres sont essentiels pour les enfants, ils exposent des situations, se servent de personnages qui permettent de poser des mots, des images, sur leurs peurs. Dans ces histoires, la peur est incarnée, mais sur le papier, sur quelque chose que l’on maîtrise, quelque chose dans lequel on peut se projeter mais sécurisant car on le tient entre ses mains. On peut fermer le livre, en discuter, le relire.
Le grand Maurice Sendak, auteur notamment de Max et les maximonstres disait : “C’est grâce à l’imaginaire que les enfants parviennent à la catharsis.” Dans cet ouvrage, on voit d'ailleurs plein de monstres qui pourraient faire peur, mais l'on suit Max, petit enfant courageux, qui devient le roi de ces monstres, qui n'en a pas peur, et l'on a envie de faire comme lui, ne pas avoir peur.
Les livres qui font peur aident à dépasser une situation proprement impensable et participent à la construction de l’humanité en chaque enfant.
“Le livre permet une mise à distance, un apprentissage, finalement très sécurisé, de la manière dont on brave ses peurs, cette expérience fictive peut redonner confiance en soi, donner du courage pour affronter les peurs de la “vraie vie” (bribes de journaux télévisés entrevus, conversations d’adultes entendues, échanges avec les copains à l’école, etc).” - Sophie Van der Linden, "Tout sur la littérature jeunesse"
Les enfants n’aiment pas “avoir peur”, mais adorent “se faire peur”, c’est là toute la différence. Pierre Pèju, auteur jeunesse nous dit : “Il faut s’amuser à avoir peur pour faire peur à la peur.” Ils vont dans les livres chercher ce frisson particulier, qui mélange peur et plaisir, parce qu’ils savent que c’est “pour de faux”, et que grâce aux livres, ils apprendront à contrôler leurs peurs.
Mais attention à ne pas brûler les étapes en lisant ou proposant des livres qui ne sont pas adaptés à leur âge, tout de même, il faut pour cela faire confiance aux auteurs, aux illustrateurs, aux éditeurs, aux bibliothécaires et aux libraires qui sauront : quel livre, quelle peur, pour quel âge…